Paris 2022 > Extraits des échanges

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La ville de demain

La ville de demain, c’est une ville adaptée à la jeunesse d’aujourd’hui. Cela soulève la question des relations de nos collectivités à la jeunesse. C’est aussi la ville qui saura répondre au défi écologique : comment mieux appréhender les enjeux et injonctions contradictoires ? Quelles solutions concrètes pour nos collectivités ? 

Lisibilité de l’action publique pour les jeunes aujourd’hui

Cité des chances : démocratiser la démocratie

Créée en janvier 2018 par Lauren LOLO et Brandy BOKOLO, Cité des Chances est une association loi 1901 dont l’objectif est de démocratiser l’engagement citoyen chez les jeunes des banlieues et des quartiers populaires. Grâce à des ateliers pratiques, elle leur donne les outils pour prendre confiance en leurs capacités d’agir tout en s’appropriant le fonctionnement de notre système politique et démocratique. Les 87 bénévoles sont en majorité des étudiants issus de diverses filières (droit, politique, économie, design, communication, biologie, ressources humaines….) de 17 à 30 ans, qui ont eu « la chance d’être sensibilisés et font de même dans les cités. »

Formation par la pratique et par les pairs pour apprendre à faire entendre sa voix

La formation s’effectue à l’école, dans les collectivités, directement dans les quartiers et toute structure locale existante, pour ne laisser aucun jeune de côté. Elle se fait « par les pairs », c’est-à-dire que ce sont des jeunes qui parlent à d’autres jeunes : « une rencontre peut changer une vie, aider à franchir la barrière de l’inconnu ». L’objectif est d’encourager les jeunes à faire entendre leur voix : « On entend beaucoup parler de ces jeunes, en négatif, mais qu’ont-ils à dire sur leur vision de leur place dans leur pays, dans le monde ? » demande Lauren LOLO.

Parcours citoyen de la seconde à la terminale

Pour Cité des Chances, la pratique est la meilleure méthode pour permettre aux élèves, même les plus désintéressés de la politique, de prendre conscience de leur importance mais aussi de l’impact qu’ils peuvent avoir dans les décisions qui ont des conséquences sur leurs quotidiens en tant que citoyens.

  • En seconde, des ateliers éloquence permettent  d’apprendre à parler en public. Les élèves se préparent à proclamer un discours sur scène sur un thème d’actualité de leur choix. 
  • En première, ils endossent pendant plusieurs semaines un rôle (député, journaliste, lobbyiste, expert, association). La simulation porte sur un sujet d’actualité (5G, nucléaire, GPA…) et la séance finale a lieu à l’Assemblée nationale, au Sénat ou dans l’amphithéâtre du lycée. 
  • En terminale, des visites d’institutions sont suivies de rencontre avec des élus.

Aller chercher les jeunes là où ils se trouvent

En cinq ans, Cité des Jeunes a formé 600 jeunes par son parcours citoyen dans les lycées. Ce parcours permet d’aller trouver les jeunes là où ils se trouvent, car ils ne se déplaceront pas vers un lieu institutionnel. « L’enjeu, pour nous, c’est [d’être référencé] par l’Éducation nationale plutôt que de dépendre du bon vouloir des professeurs », explique Brandy BOKOLO. Mais ce qui marche le mieux, c’est finalement la rue, surtout pour les jeunes qui ne sont plus à l’école. Un « débat géant » de 3 heures à ciel ouvert avec une centaine de personnes, c’est possible !

Impliquer les jeunes dans la politique publique des collectivités

La raison d’être des Jeunes Ambassadeurs pour le Climat, association créée en 2018, est de sensibiliser et mobiliser les jeunes, notamment en intervenant dans les établissements scolaires. Ils participent aussi aux négociations internationales environnementales. Ils apportent une formation par les pairs axée sur l’action et un approfondissement de sources scientifiques rigoureuses. Ils sont français mais ambassadeurs à l’international, et apolitiques mais « décrypteurs » de la politique. Pour leurs représentants Clara FAURÉ et Nicolas STEINIK, « l’intégration des jeunesses au sein de l’action publique est un enjeu majeur pour embarquer l’ensemble de la société dans les transformations nécessaires dues aux crises environnementales, sociales et démocratiques ».

Quatre grands obstacles

Les JAC y voient aujourd’hui quatre grands obstacles : 

  • un déficit de représentativité des jeunes dans les instances de consultations ou via les initiatives existantes ;
  • une formation non suffisante à la vie publique ;
  • un manque de visibilité et de transparence dans la stratégie d’implication des jeunes et peu de visibilité sur les droits de suite aux consultations ;
  • et enfin dans certains cas, un manque de considération, du youthwashing/greenwashing, alimentant désaffection et méfiance à l’égard du monde politique. 

Démythifier la jeunesse

En septembre 2021, Olivier Galland et Marc Lazar ont réalisé pour l’Institut Montaigne une enquête auprès de 8 000 jeunes de 18-24 ans et deux échantillons complémentaires de la génération des parents et des baby-boomers, de 1000 personnes chacun. Les jeunes Français se disent globalement heureux (82%) tout en reconnaissant des difficultés. Ces difficultés sont moins ressenties quand les parents peuvent aider les jeunes : 69 % le font « juste ce qu’il faut » et 18 % le font même « trop » selon les jeunes. Surtout, plus que la situation matérielle, la qualité des relations avec leurs parents et amis est une des composantes essentielles du bien-être des jeunes. 

Un trait saillant de l’enquête est l’importance des difficultés scolaires, évoquées par 42 % des jeunes. Une proportion importante (35 %) est insatisfaite de son orientation, notamment dans les filières professionnelles, ce qui alimente le sentiment que l’école est inutile surtout parmi les jeunes de plus faible niveau d’étude. 

Les jeunes sont sensibilisés aux questions sociétales, avec en tête les violences faites aux femmes (77 %), suivies du racisme (67 %) et dans des proportions comparables, par ordre décroissant, du terrorisme, de la faim dans le monde, de l’écologie et des inégalités (62 %). La théorie du genre ne fait pas l’unanimité chez les jeunes : 45 % d’entre eux pensent que les différences entre hommes et femmes sont naturelles, 55 % qu’elles résultent d’une construction sociale. Les jeunes sont « écolos » mais se différencient assez peu des autres générations. Ils ne sont pas toujours prêts à modifier leurs comportements et leurs pratiques pour préserver l’environnement. Les jeunes sont sensibles à de grandes causes mais 42 %  ne se situent pas sur l’échelle gauche-droite et 36 % ne se sentent proches d’aucun parti politique.

Une typologie des attitudes socio-politiques 

Les réponses au sondage ont permis de dessiner un « portrait bigarré » de la jeunesse suivant quatre grands types.

  • Les démocrates protestataires (39 %)
    Intéressés par les questions sociétales, ils ont une culture protestataire, mais sont attachés à la démocratie et répudient la violence. Ce sont plus souvent des femmes et des diplômés universitaires issus de familles à fort capital culturel. 
  • Les désengagés (26 %)
    En retrait, ces jeunes sont l’antithèse des démocrates protestataires. Ce sont plus souvent des hommes issus de familles à faible capital culturel et résidant en zones rurales ou petites villes. 
  • Les révoltés (22 %)
    Ils sont favorables à une transformation révolutionnaire de la société et tolérants à l’égard de formes de violence politique. Ils se sentent plus souvent malheureux, déconnectés de la société, et connaissent des difficultés financières.
  • Les intégrés transgressifs (13 %)
    Ce dernier groupe paradoxal est celui de jeunes qui paraissent socialement intégrés, notamment dans leur localité, mais qui valident des comportements transgressifs. Ce sont plus souvent de jeunes hommes actifs issus de familles à faible capital culturel et plus souvent d’origine étrangère.

Des clivages internes à la jeunesse 

La pluralité de la jeunesse se lit aussi dans différents  clivages. 

  • Clivages de genre : les femmes se sentent plus concernées par les questions sociétales, mais sont moins engagées dans des associations et moins identifiées à un parti ou à une ligne politique. 
  • Clivage culturel : on retrouve le rôle fondamental du capital culturel hérité ; un faible capital culturel va da pair avec un désengagement politique et sociétal (sur les sujets du genre et de l’écologie), et un moindre attachement à la démocratie. 
  • Clivage selon l’origine et la religion : les orientations sociétales des jeunes musulmans se distinguent par un intérêt fort pour les inégalités et le racisme, mais faible pour le genre et l’écologie ; avec un certain accommodement avec la violence.

Quartier Jeunes

En 2020, les quatre premiers arrondissements parisiens ont été fusionnés en un seul appelé Paris Centre, ce qui a laissé vacantes trois anciennes mairies d’arrondissement. Au même moment, la crise sanitaire a placé les jeunes dans une précarité accrue et fortement affecté leur santé mentale. Pour les aider, la ville de Paris a décidé de leur dédier la mairie de l’ancien 1er arrondissement, qui devient alors « Quartier Jeunes », alias QJ.

Comme l’explique Thomas ROGÉ, la transformation du lieu se fait selon des principes de frugalité avec beaucoup de réemploi, en en « agrégeant des acteurs » issus de la Ville de Paris, des associations et d’autres partenaires […] dans une sorte de joint venture intégrant des compétences de gestion. 

Ouvert depuis un an (fin 2021), QJ a déjà accueilli 50 000 jeunes. 

Le lieu offre aux jeunes de Paris, mais aussi de toute l’Île-de-France, un accueil personnalisé et des solutions dans tous les domaines de la vie : emploi, orientation, métier, engagement, santé, accès au droit, logement, vacances, culture, loisirs, sport… Il y a aussi une épicerie avec des casiers à légumes, un frigo, et les Restos du Cœur. QJ est ouvert à tous sans rendez-vous. 

Ces services sont apportés par des partenaires associatifs ou institutionnels. La ville de Paris en fait partie en tant qu’employeur par exemple. Plus généralement toutes ses directions sont mobilisées sur leurs compétences pour participer à la gestion du lieu et à l’apport du service. En outre, comme le souligne sa directrice Bettina MANCHEL, la gestion du lieu est fortement collaborative et concertée avec les jeunes. 

L’Académie du Climat

L’Académie du Climat est un autre lieu créé dans une ancienne mairie d’arrondissement, en l’occurrence celle du 4e, selon le même calendrier (ouvert fin 2021).

Cette académie où travaillent 40 personnes est un lieu ouvert dédié au climat, dans lequel on peut se former, se rencontrer ou se faire accompagner dans ses projets.

Il est organisé en deux espaces : le rez-de-chaussée est dédié à l’éco-conception et à la réparation, l’étage à l’accueil de rencontres de type conférences, jeux, débats…

L’atelier d’éco-conception du rez-de-chaussée (où se trouvent aussi une salle de réparation, un atelier-manufacture pour le textile et une cuisine) sert à accueillir des groupes pour des sessions pédagogiques autour de l’éco-construction. Ils vont des scolaires aux professionnels du bâtiment en passant par les représentants de copropriétés, mais aussi par les architectes du patrimoine et les instructeurs des permis de construire de la ville de Paris.

L’éco-conception est particulièrement importante pour la rénovation du patrimoine bâti parisien, qu’il soit public ou privé. Sarah ALBY explique que « la ville de Paris est entrée dans une logique d’accélération pour la rénovation de son patrimoine », et qu’elle veut aussi « donner des clés aux parisiens ». Cela passe notamment par des maquettes à l’échelle 1 de différentes solutions d’isolation des murs.

Les salles de réception de l’étage sont utilisables du mardi au samedi (jusqu’à minuit) et la programmation se fait avec les associations – installées dans l’ancien bureau du maire ! Cela fait de l’Académie du Climat un lieu où convergent beaucoup d’acteurs engagés. 

« Nous sommes à la disposition de l’engagement des jeunes, nous sommes là pour leur faire gagner du temps » résume la directrice de l’Académie.   

La Maison des Canaux

La Maison des Canaux, ancien bâtiment administratif de gestion des canaux parisiens, fait depuis 2016 partie de ces lieux qui incarnent une politique municipale, en l’occurence celle du soutien à l’économie solidaire et innovante. Elle est occupée par l’association Les Canaux, créée à l’initiative de la ville de Paris rejointe par la métropole du Grand Paris et l’établissement public territorial Est Ensemble, et soutenue par différentes institutions dont l’ADEME, le ministère de la Transition écologique et le Comité d’organisation des Jeux olympiques. Sa mission, affirme sa directrice Élisa YAVCHITZ  : « Changer l’économie du monde » !

Pourquoi le COJO ? parce que la candidature de Paris comportait l’engagement de réserver 25 % du montant des marchés (5 M€ de dépenses) à l’économie sociale et solidaire, et que Les Canaux aide les entreprises à répondre aux appels d’offres. Plus généralement, l’association aide les TPE à construire leur business plan, à candidater à des marchés publics ou des appels à projets, ou encore à se rapprocher de grandes entreprise pour monter des projets en commun. L’association occupe 40 personnes, dont 10 sont actuellement mobilisées sur les JO.

L’existence de ce lieu est très importante pour faire vivre un écosystème. Il attire beaucoup de monde, y compris de grandes entreprises qui utilisent les salles en échange d’une formation dispensée au plus petites ou aux porteurs de projet. Il y a ainsi 70 partenaires réguliers. 

Bien évidemment, la rénovation de ce bâtiment récupéré dans un état avancé d’abandon (rats…) ne pouvait se faire qu’en conservant au maximum l’existant (95 %) et avec 100 % des apports issus de l’économie circulaire. La visite du lieu est très parlante sous ce rapport. « Ce qui a été inventé ici en 2016 est maintenant dans la loi », se félicite  Élisa YAVCHITZ, qui témoigne en outre que les travaux sont certes plus longs, mais pas plus chers que les chantiers de rénovation classiques.